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Etude des trois composantes de l’image inconsciente du corps (le corps-vécu), de l’image spéculaire (le corps-vu) et de la structuration psycho-corporelle d’un individu, avec un rappel sur le Moi-Peau. Puis seront abordés les points suivants : la psychologie de l’enfant – l’évolution cognitive du nourrisson – un être de pensées, de raisonnement et d’émotions – adolescence et identifications – la recherche de limites – les conduites à risque – le phénomène social.


L’image inconsciente du corps


Sentiment de soi et définition de l’image inconsciente du corps


Le sentiment de soi naît de la mémoire, consciente et inconsciente, qu’un individu a de son histoire. Cette mémoire est perçue sous forme d’images qui se sont élaborées au cours des années. Une grande partie de ces images sont enfouies dans l’inconscient, et forme ce que Françoise Dolto nomme l’ « image inconsciente du corps ». Cette image inconsciente du corps est « l’ensemble des toutes premières et nombreuses impressions gravées dans le psychisme infantile par les sensations corporelles qu’un bébé, voire un foetus, éprouve au contact avec sa mère, au contact charnel, affectif et symbolique avec sa mère » (J-D Nasio). Cette image inconsciente du corps, à la base du sentiment de soi, se forme pour l’essentiel au cours de la vie intra-utérine et dans la prime enfance, et demeure active toute la vie.


Les 3 composantes de l’image inconsciente du corps


L’image inconsciente du corps est la résultante de 3 types d’images (comme expliqué par Dolto et repris par Nasio) :
- L’image de base
- L’image fonctionnelle
- L’image érogène


L’image de base est « celle qui assure à l’enfant la conviction innée que son corps repose sur un sol ferme qui le porte et le supporte » (Nasio). L’enfant ressent son corps comme une masse compacte, d’abord par la pression du liquide amniotique puis par les sensations au contact du corps de la mère. Cette image rassure l’enfant, en lui faisant percevoir son corps comme un abri protecteur.
L’image fonctionnelle « est, au contraire, l’image du ressenti d’un corps agité et fébrile, tout entier tendu vers la satisfaction des besoins et désirs » (Nasio). Le corps est perçu en constante activité, mouvement, et plein de besoins.
L’image érogène est « l’image d’un corps ressenti comme un orifice livré au plaisir, dont les bords se contractent et se dilatent au rythme alternant de la satisfaction et du manque » (Nasio).
L’image de base est la plus importante car elle constitue un refuge protecteur lors de crises ou de régression. Elle assure une sécurité d’exister.


L’image spéculaire et le refoulement de l’image inconsciente du corps


Dolto pense que lorsque l’enfant prend conscience que l’image qu’il observe dans le miroir est la sienne (vers l’âge de 3 ans), il en ressent un énorme traumatisme. Pour Lacan au contraire, l’enfant en éprouve une joie intense. Dans les deux cas, l’enfant comprend que les autres ont à voir cette image de lui et non l’image qu’il ressent et qu’il s’est élaboré
intérieurement. Il se produit alors une faille et un refoulement des sensations et du vécu interne au profit de l’image externe. L’enfant part alors à la conquête d’une autre image qu’il fait sienne, et à laquelle il s’identifie. L’image du corps-vécu tombe en grande partie dans l’inconscient, l’enfant se consacrant désormais à l’image du corps-vu. Ce processus se produit en même temps que la transformation de la relation à l’autre, avec le passage notamment de la fusion corporelle avec la mère au langage parlé et au perfectionnement des capacités motrices de l’enfant. La communication kinesthésique et corporelle mère-enfant laisse la place à une relation où les images spéculaires des protagonistes acquièrent une grande importance, et l’enfant s’occupe alors plus de son apparence que de son monde intérieur, qu’il oublie avec le temps. Cela persiste souvent chez les adultes ; la vie interne et sensorielle est négligée au profit du paraître, du corps-vu. Le Moi n’en reste pas moins une foule d’images corporelles internes et externes. L’avantage de l’image du corps-vu est qu’elle présente le corps comme étant uni, comme étant un tout compact et cohérent qui se révèle rassurant, alors que la mosaïque d’images intérieures s’avère parfois effrayante de par son incohérence, les pièces la composant ne s’emboîtant pas toujours parfaitement comme celles d’un puzzle.
Mais ces fresques d’images inconscientes sont réactivées lors des crises de croissance de l’enfant, et de certaines crises survenant à l’âge adulte. Elles s’expriment aussi au quotidien, par des manifestations spontanées du corps, de la parole, des comportements involontaires, des mimiques, gestes et postures. Le corps évolue, façonné par l’inconscient, tout comme la voix (forte, faible, mélodieuse…). Le thérapeute doit donc pouvoir être en mesure de décrypter le langage codé de l’inconscient et de le réorganiser afin d’obtenir quelque chose de cohérent et qui ait un sens.


La structuration psycho-corporelle


La perception du corps


Beaucoup de gens perçoivent leur corps « de l’extérieur », certains sont même incapables de rentrer dans la perception intérieure ; en fait, la majorité n’a jamais vraiment essayé de comprendre ce qu’était cette perception intérieure. Percevoir son corps de l’intérieur suppose l’idée d’être un corps, l’idée de fusion et d’unité avec ce corps. Une perception externe marque une séparation corps/esprit, et implique le fait d’avoir un corps, de posséder un corps, donc l’idée de dualité. Il y a dans ce dernier type de perception le risque de perdre son centre au profit de l’image extérieure et sociale, de s’identifier au corps-vu au point d’en oublier complètement le corps-vécu.


Structuration du corps


Le foetus et le nouveau-né ne font pas la différence entre leur corps et l’extérieur, ils n’ont pas encore conscience de leur individualité et de leur existence en tant qu’entité séparée. Au fur et à mesure de l’évolution, le tonus se développe, l’enfant prend conscience de ses limites, qui sont bien marquées par la séparation spatiale et temporelle ; spatiale, car séparation physique, son corps n’est pas celui de sa mère, il est délimité par la peau, et temporelle par l’absence de l’autre, et la durée de cette absence. De cette séparation spatiale et temporelle naît la notion de rythme, de temps fort et temps faible, présence/absence, près/loin, rythme binaire que l’enfant découvre et utilise dans ses jeux : excitation/calme, bruit/silence, il se cache, apparaît, le temps faible préparant à la puissance du temps fort.
L’axialité se développe, permettant la perception droite/gauche, et la réunion de ces deux hémi-espaces, sans déstabilisation du plan médian grâce à l’axe central. L’enfant apprend ainsi à passer de son côté droit à son côté gauche ou inversement, tout en restant centré, en gardant l’équilibre.
Avec l’axialité, les notions de poids, de densification et de tonus sont essentielles dans la construction du corps : prendre conscience de son corps, c’est prendre conscience de sa concentration, de sa densité, de son centre et de son poids. Exister, c’est peser. Cette densité intérieure permet le mouvement vers l’extérieur sans risquer de s’y perdre. Travailler sur les os, la charpente du corps, par des vibrations notamment (tambours, percussions, rythmes,
massages…) permet de prendre conscience de cette solidité intérieure (en ressentant la vibration du squelette).
Enfin, un juste tonus se développe, élément majeur de la structure corporelle, qui permet de se mouvoir de façon harmonieuse, de maintenir et d’équilibrer le corps (même dans le déséquilibre), en s’adaptant aux situations grâce à une réponse tonique de l’organisme. Le tonus postural s’ajoute ainsi au tonus basal (tonus de base d’un muscle au repos) en réaction à une stimulation. L’état tonique du corps est lié à l’état de vigilance, aux perceptions des organes sensoriels, aux émotions et à la respiration (l’état tonique peut être la cause ou la conséquence de changements de rythmes respiratoires). Ainsi le corps répond aux stimulations extérieures par des variations de tonus, par le biais du système nerveux central ou périphérique, et de la réticulée liée aux sens.
Mais poussé à l’extrême, le tonus peut devenir tension et blocage, suivant le vécu et les réactions de l’individu. En effet, la souffrance provoque une crispation qui bloque l’arrivée de la douleur, ainsi qu’une mise à distance pour moins ressentir la partie du corps qui dérange.
On comprend ainsi comment le corps prend forme suivant l’histoire, le caractère, l’émotivité d’une personne. La structure corporelle peut ainsi nous renseigner par le biais du tonus sur le type de situations vécues et comment elles ont été vécues.
Ainsi la structuration psycho-corporelle dépend des notions suivantes :
- Densification (os, muscles)                                 - Limites spatiales
- Poids                                                                       - Limites temporelles
- Centre                                                                               - Tonus
- Axialité                                                                                - Peau
Se recentrer permet ainsi un relâchement du haut du buste, notamment épaules et cou, zone de l’expression et de la communication, et donc un meilleur rapport à l’extérieur. Une fois que le dedans est défini, est ressenti dans sa densité, le dehors devient possible. En résulteront une plus grande confiance en soi, moins de peur et une meilleure ouverture (relations améliorées), et un plus grand calme intérieur. Au niveau du mouvement, on observera plus de lâcher-prise dans le sol (pliés confiants sans tensions dans les jambes, juste de la tonicité), donc un meilleur rapport haut/bas (verticalisation bénéfique pour la colonne vertébrale), un mouvement plus fluide grâce à une respiration posée dans le bassin ; la tonicité du muscle sans tension lui permet d’être en état de disponibilité optimum, pour aboutir à un état de paix résultant de la fusion du corps et de la conscience qui l’habite.


Le Moi-Peau


Par Moi-Peau, Didier Anzieu désigne « une figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même, comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface du corps ».
Les soins apportés au corps dans la petite enfance conditionnent ainsi la façon dont l’individu structurera ses expériences psychiques.
« Le Moi-peau apparaît tout d’abord comme un concept opératoire précisant l’étayage du Moi sur la peau et impliquant une homologie entre les fonctions du moi et celle de notre enveloppe corporelle (limiter, contenir, protéger) ».
Le Moi-Peau est donc une limite entre le dedans et le dehors, permettant au sujet de se sentir contenu dans une enveloppe qui l’unifie. L’extérieur ne peut pénétrer à l’intérieur sans être filtré. Le Moi-Peau rejoint les notions de frontière, limite, contenant et densité organique.


La psychologie de l’enfance à l’âge adulte


La psychologie de l’enfant


L’ontogenèse est le nom donné au développement neurocognitif du bébé à l’adulte ; comme pour la phylogenèse, l’évolution des espèces, l’ontogenèse est basée sur un mécanisme d’adaptation et de sélection permettant à l’organisme sa conservation et son évolution au cours des ans. La vie est évolution, et les individus s’adaptent plus ou moins activement ou passivement. Comment se passe alors l’ontogenèse, et notamment le développement cognitif et psychologique qui permet à l’enfant d’accéder à son individuation intellectuelle et sociale ?


L’évolution cognitive du nourrisson :


Tout d’abord, l’enfant perçoit le monde qui l’entoure, il n’a pas encore conscience de ses limites, de ce qui est extérieur ou intérieur. Alors qu’il commence à se rendre compte d’un extérieur à lui-même, et à sortir de l’illusion de l’identification (fusion) avec cet extérieur, il passe par le stade de la permanence de l’objet, première compréhension cognitive des variations extérieures, à savoir qu’un objet existe même lorsqu’il est en dehors de son champ de perception. Cet objet reste présent dans l’esprit de l’enfant grâce à la pensée qui lui permet de l’intégrer et d’être en relation avec lui même lorsqu’il n’est pas présent physiquement. Lorsque ses parents cachent cet objet, il va partir à sa recherche. En premier lieu, il n’y a qu’une cachette, et le bébé agit par répétition pour retrouver l’objet disparu. Puis vient le stade de cachettes différentes, et l’enfant (environ 1 an) apprend alors à ne pas aller vers la première cachette habituelle, mais à se tourner vers la deuxième. Mais ses erreurs restent fréquentes jusqu’à ce qu’il intègre le processus d’inhibition de la cachette A pour se diriger vers la B (« non je ne vais pas vers A, je vais vers B »). Il apprend à laisser de côté ses croyances et le connu pour découvrir autre chose.
Dans l’esprit de l’enfant, les objets et le monde extérieur perçus sont traités quantitativement et qualitativement (le nombre, aussi bien que la forme, la couleur…). La catégorisation est une activité cognitive fondamentale et omniprésente, qui utilise des régions spécifiques du cerveau. Ce processus se met en place au cours de l’évolution cognitive, et débute dès la naissance par l’intermédiaire de sensations et de perceptions externes entrant en résonance avec le monde interne du bébé, et est mis en évidence par l’activité du cerveau.
Mais l’intelligence de l’enfant se manifeste à la fois par des compétences précoces et des erreurs tardives (erreurs de raisonnement,…) : « la suite du développement de l’intelligence est jalonnée d’erreurs, de biais perceptifs, de décalages inattendus, et d’apparentes régressions cognitives » (Olivier Houdé). C’est parce que le cerveau est une « machine à se tromper » qu’il reste toute la vie une « machine à apprendre ».
C’est à l’adolescence que la pensée hypothético-déductive se met en place, avec la possibilité de passer du concret à l’abstrait (« décrochage » de la pensée par rapport aux objets), et de manipuler des éléments abstraits, des propositions logiques, des idées, des hypothèses… Grâce à cette capacité, l’adolescent prenant conscience de la puissance de son esprit s’impose, voudrait changer les choses et refaire le monde. « La logique est la forme optimale de l’adaptation biologique, construite par étapes successives, du cerveau du bébé à celui de l’adolescent, c’est-à-dire des adaptations sensorielles et motrices élémentaires aux adaptations cognitives, d’abord concrètes, puis formelles. La clé du développement et du fonctionnement cognitifs est, selon ce schéma, la coordination logique des informations » (Olivier Houdé).
Le but du développement de l’intelligence est d’aboutir à la pensée logique et juste, à faire le moins possible d’erreurs de raisonnement pour être juste et vrai dans ses conclusions et ses actions.


De l’objectif au subjectif : l’être de pensées, de raisonnement et d’émotions :


Des psychologues et scientifiques ont mis en évidence que dès son plus jeune âge, l’enfant élabore des théories naïves qui lui permettent de comprendre et d’appréhender le monde et les autres. Tout au long de la vie, l’individu aura ses théories et ses croyances qui seront plus ou moins malléables et adaptables aux situations. L’enfant ressent tout d’abord la pensée comme crée par la bouche ; jusqu’à 8 ans environ, il ne semble pas ressentir ce qui se passe dans sa tête, la pensée est assimilée à la parole et confondue avec les choses, les mots font partie des choses, il n’y a rien de subjectif dans l’acte de penser ; puis avec l’évolution, la pensée est ensuite dématérialisée et devient subjective, et il se crée alors une distinction entre le monde physique et le monde mental interne subjectif. L’enfant prend non seulement conscience qu’il est capable de penser par lui-même, mais il se rend compte également que les gens de son entourage sont eux aussi des êtres pensants et intentionnels. « Comprendre que l’autre est, comme nous, un être intentionnel est essentiel pour entrer dans l’apprentissage culturel humain ». C’est cette capacité à penser qui distingue l’homme de la machine, ainsi que des espèces animales et végétales. Les intentions suffisent à mouvoir les humains. Grâce à la pensée et la conscience de lui-même, l’homme peut acquérir plus d’indépendance, de libre-arbitre et de liberté, tout en étant interconnecté à ce qui l’entoure.
Grâce à l’imitation, le bébé apprend l’intersubjectivité. Il se crée par ce biais un lien fort et direct entre les autres et ses sensations, ses états internes. Il se produit dans le cerveau un phénomène de résonance motrice : l’action de l’autre résonne en lui et active les mêmes zones cérébrales que s’il la réalisait lui-même. Par imitation, il prend exemple sur l’autre pour son développement et aboutit à l’intersubjectivité, puis, une fois le geste approprié, à la subjectivité totale. C’est la théorie de l’équivalence initiale entre le soi et l’autre.
Dans son développement, il apprend également à adopter différentes perspectives visuelles et spatiales, différents points de vue sur les choses ; grâce à cette capacité, il est capable de compassion, de mieux comprendre les autres ; il se décentre puis se recentre, en supposant que la phase narcissique, structuration égotique du moi est bien intégrée pour ne pas risquer de se perdre à l’extérieur. Piaget indique que cette possibilité apparaît vers l’âge de 7-8 ans car avant, l’enfant est égocentré. Cette capacité permet de ne pas rester dans l’illusion de ses
croyances, de ses propres perspectives visuelles et des apparences qui se confondent avec la réalité.
Ce travail métacognitif nécessite des outils importants qui sont la simulation et l’inhibition, pour prendre conscience du « vrai » et du « faux », de la réalité et des apparences, et être capable de rejeter ses perceptions erronées. L’inhibition se rapproche de la philosophie du non de Bachelard. Inhiber, c’est savoir dire non à ses façons inadéquates de penser. Dans le développement de l’individu, c’est savoir faire des choix pour s’adapter et être dans la logique de la vie, savoir refuser quelque chose pour accepter autre chose, savoir fermer une porte pour en ouvrir une autre. Inhiber est donc une action négative mais qui aboutit sur du positif, du constructif. Pierre Gréco pense que « si l’esprit qui dit non sait pourquoi il dit non, il a déjà les moyens de définir son prochain oui ». L’apprentissage de l’inhibition se fait par des échecs, par imitation ou par une instruction formelle venant d’autrui. Dès son plus jeune âge, comme par exemple dans le cas de l’objet caché en B, l’enfant inhibe la réaction de son esprit qui l’envoie vers la cachette habituelle A pour se tourner vers B. L’inhibition est donc indispensable à l’adaptation de l’individu. L’inhibition est un mécanisme de blocage qui permet de bloquer les croyances et réactions habituelles de l’organisme pour aboutir à la logique et à la conclusion la plus objective possible. On pourrait faire le lien entre inhibition et le sevrage et le fait de couper symboliquement le cordon ; si l’individu ne dit pas non un jour à la fusion et l’identification à la mère, ou la fusion et l’identification à ses idées et croyances, il ne s’ouvre jamais vers autre chose et a des difficultés à s’adapter socialement.
Ce travail d’inhibition est soutenu par les émotions et les sentiments ; au niveau cérébral, il est intéressant de noter que la zone de l’inhibition se situe dans la région du cortex préfrontal ventromédian droit, proche du système limbique, le « cerveau des émotions ». L’émotion liée au sentiment de s’être trompé est liée à l’apprentissage de l’inhibition. S’il y a rupture dans la relation émotion/raisonnement, comme le montre le cas d’un jeune homme ayant eu un accident dans cette région du cerveau, cela provoque une inadaptation sociale et intellectuelle. L’homme n’a donc pas un raisonnement « froid » comme les ordinateurs, car il est doté d’émotions qui participent au processus d’apprentissage. On comprend bien comment l’art, qui
touche et émeut, peut aider à l’apprentissage et à la restauration du processus de raisonnement logique et d’inhibition favorisant l’adaptation.
Ainsi, l’évolution de l’être humain, du bébé à l’adulte, passe par différents stades d’apprentissage psychiques, intellectuels et cognitifs visant à la construction de son moi grâce au travail d’inhibition et au sentiment de soi lors d’une activité cognitive. L’esprit individuel apprend à raisonner –et résonner avec l’extérieur- de façon de plus en plus complexe et logique, pour mieux appréhender le monde et être capable à la fois de subjectivité et d’objectivité, en adoptant différents points de vue. Grâce à ce développement psychologique et cognitif, l’individu est à même de mieux répondre aux stimulations du monde qui l’entoure et de trouver ce qui est bon ou non pour lui par des déductions logiques plus ou moins spontanées aidant à son intégration sociale.


De l’enfance à l’âge adulte : l’adolescence


Adolescence et identifications : L'adolescence est une période de mutation, de transformation, de mort de l'enfant et naissance de l'adulte ; c'est un passage avec des zones de turbulences pulsionnelles, où les valeurs établies sont remises en question. Alors que l'enfant s'identifiait à ses parents (et plus particulièrement à l'un ou à l'autre) et les idéalisait, l'adolescent conteste ces modèles et les limites établies, et part à la recherche de nouveaux modèles identificatoires et d'une nouvelle structure en dehors de la famille, qui lui permettront de s'individualiser et de devenir un individu à part entière. Les pulsions qui sexualisent son corps, comme ses pensées, qui le poussent à se différencier et trouver sa place au niveau sexué, sexuel et au niveau de la différence des générations, le replongent et font ressurgir la problématique de l'OEdipe et la façon dont elle a été vécue. L'acceptation, la gestion ou le refoulement de ces pulsions vont avoir une importance majeure au niveau de la construction de l'identité et de la personnalité,
et au niveau de la solidité de la structure du sujet, de sa rigidité ou au contraire de sa capacité à s'adapter par la suite. Il s'agit là de la gestion la plus souvent inconsciente de ces pulsions pour éviter de mettre en péril la structure de l'individu. Les bases narcissiques établies au cours de l'enfance permettront soit une acceptation facilitée, soit au contraire des sentiments de culpabilité et des refoulements de la sexualité émergente. Le travail d'acceptation sera donc à faire par la suite pour éviter ou traiter des névroses ou psychoses dues à la difficulté à gérer les perturbations causées par les pulsions sexuelles de l'adolescence. Cette nouvelle confrontation dérangeante à la problématique de l'OEdipe pousse d'autant plus l'ado à fuir ou à s'opposer aux figures parentales, pour tenter de canaliser différemment ses pulsions. Que ce soit par besoin de repousser les limites, par manque d'air, pour rechercher des modèles et des valeurs et intérêts propres qu'il cherche à développer, ou pour gérer au mieux ses pulsions, le jeune se sent poussé à s'opposer, à fuir, à rejeter, à remettre en question beaucoup d'aspects de sa vie d'enfant. Ce rejet des parents exige un travail de deuil pour l'adolescent ; il s'agit là de faire le deuil des identifications infantiles pour trouver d'autres objets identificatoires, par le phénomène du transfert. Encore faut-il que ce deuil soit possible, c'est-à-dire que le travail d'intégration de l'objet d'identification (la mère en général) ait eu lieu. Sinon l'ado trop en fusion avec la mère peut se trouver fragilisé, voire « handicapé », s'il n'a pas pu intégrer la notion de permanence de l'objet, à savoir la présence de la mère lorsque celle-ci est absente de son champ de perception. Les mères trop présentes pour leurs enfants ne leur laissent pas le temps ni la possibilité de vivre le vide de l'absence et l'élaboration d'une pensée de substitution qui va aider par la suite au travail de deuil de l'identification à la mère ou aux parents. La fragilité de l'ado sera due au fait qu'il se maintient dans un schéma fusionnel à la mère, car il n'a pas appris à combler le manque par un travail symbolique que l'absence et le vide permettaient de mettre en route. Sa pensée, ses désirs n'ont pas la place et l'espace d'exister. Il lui est alors difficile de savoir qui il est et de connaître sa singularité d'individu pensant (quoi ?) et désirant (quoi ?). Il ne se distingue pas, ses pensées et ses désirs ne lui viennent pas de l'intérieur de lui-même, mais de la mère ou la personne avec qui il fusionne. Ce type d'individu, en cas de coupure brutale d'avec l'objet fusionnel (accident…) s'observe dans un miroir et ne sait plus qui il est ; il a l'impression d'être transparent, de ne pas exister. En dehors de ce cas de figure
rendant l'affirmation et l'individualisation difficiles voire impossibles (nécessitant une prise en charge psychologique et pouvant mener à des psychoses), l'adolescent dont la crise se passe relativement « normalement » (s'il est possible de parler de norme ou de normalité dans ce contexte particulier de crise) réalise un transfert sur une personne-tiers de façon à se libérer du « carcan » familial et pour avoir un appui, une béquille qui puisse l'aider dans sa phase de recherche d'indépendance pendant laquelle il se sent encore très fragile et dépendant. L'ado se construit alors grâce au bagage fourni par les parents (ses bases), ainsi que par les nouveaux intérêts et valeurs qu'il recherche et qui vont lui permettre de se construire dans toute sa singularité.


La recherche des limites :


Pour l’enfant, les limites de sa chambre représentent les limites du monde intérieur vécu. Cet espace intime l’aide à définir ses limites corporelles et psychiques. L’adolescent, en plein désir d’émancipation et à la recherche de nouvelles limites pour trouver sa place dans la société, va tester les différents champs spatiaux pour savoir ce qui est à lui ou pas, pour trouver sa place, adapter son comportement et définir son identité. Pour les parents, il est important et surtout à cette période de grande vulnérabilité, de respecter l’espace intime de l’enfant, de ne pas chercher à reprendre possession d’un territoire qui ne leur appartient plus. Lorsque ceux-ci cherchent à reconquérir du terrain, l’ado peut vivre ça comme une intrusion, une violation de l’espace intime (vécue à un niveau non conscient comme l’effacement des barrières incestueuses), ce qui peut avoir de graves conséquences comme nous le verrons par la suite. L’ado va aussi tester les limites des autres et attend qu’elles soient définies pour se définir ensuite par rapport à elles. Plus la circulation entre les différents espaces est fluide, plus la perception des limites se fait facilement. Si le processus se déroule bien, le sujet intègre ses nouvelles limites, et se sent doté d’une consistance et d’une identité. Il se perçoit alors comme singulier et indivisible. Mais la définition des limites est une phase difficile qui ne se passe pas toujours bien, ce qui peut mener à des comportements dangereux.


Les conduites à risque/ les idées et actes morbides et suicidaires :


Le non-respect de l’intimité de l’ado peut le pousser aux conduites à risque. La fugue est un moyen de fuir un milieu trop dérangeant qui ne permet pas une bonne structuration intérieure (parents couvant trop l’enfant, irrespect de son espace privé, problèmes à la maison….). C’est un moyen de « se casser », de rompre, de s’émanciper. Par la fugue, l’ado essaie de s’extraire de l’étouffement familial et de ce qui le menace d’asphyxie et le blesse profondément. Ou étant lui-même en proie à des tourbillons intérieurs, dus aux pulsions qu’il peut avoir du mal à contrôler et gérer, il peut aussi culpabiliser à tort en pensant être la cause des conflits familiaux et avoir ainsi envie de disparaître. Dans ce cas fugue et suicide peuvent avoir la même signification : envie de disparaître, au moins provisoirement, en attendant que la tempête soit passée ; se mettre à l’abri. Par ce type de conduite, le jeune cherche aussi à savoir ce que son absence provoque chez sa famille et ainsi d’évaluer son importance. Dans Blanche-Neige et La Belle au Bois Dormant, on retrouve cette problématique de l’adolescence : le besoin de s’évanouir, d’une mise entre parenthèse en attendant que les conflits, notamment affectifs, soient réglés, se réveiller ensuite et mener alors une vie heureuse. C’est aussi la symbolique d’une mort pour renaître ensuite, comme l’adulte doit mourir à l’enfant en passant par la phase de l’adolescence, ou il a à réaliser plusieurs deuils (deuil de l’enfant, des identifications infantiles, des limites trop étouffantes de sa chambre et de sa maison, ….). Les conduites à risque permettent aussi ce jeu avec la mort dans cette période ou les pulsions morbides deviennent envahissantes : parce qu’il faut accepter de laisser mourir une partie de soi, il faut arriver à réaliser plusieurs deuils, et aussi parce que les pulsions sexuelles font revenir à la surface la problématique de l’OEdipe, la culpabilité et les pulsions de mort associées. De plus, l’ado doit faire le deuil de la toute-puissance de l’enfant qu’il était ; par sa confrontation avec la mort, et avec sa propre mort, et par le fait que désormais, il devra se débrouiller de plus en plus seul. Les conduites à risque sont donc un moyen de fuir un milieu étouffant mais permettent également aux ados qui ont manqué de structure dans leur éducation, de se heurter à l’autorité, à la mort, et ainsi de définir les limites qui leur manquent et qu’ils n’ont pas pu
mettre en place pendant l’enfance. « Les jeunes en souffrance cherchent à se mettre à l’épreuve, comme si la survie ou le sursis était la seule légitimation de leur réalité » (Dr Xavier Pommereau). Le passage à l’acte que l’on trouve dans ces conduites à risque est à la fois une sortie, un exutoire, une fuite, et aussi un moyen de contrôler une situation, ce qui semble rassurant pour l’ado ; sauf que bien souvent, au bout d’un certain temps, il se rend compte que la situation le dépasse et qu’il ne contrôle plus du tout : c’est le cas notamment pour la drogue, qui rend dépendant, pour les conséquences des fugues à assumer (arriver à se débrouiller seul), pour la boulimie à la suite de l’anorexie, les accidents de la route, etc…


Le phénomène social :


Mais comme l’explique le Dr Xavier Pommereau, dans la société actuelle, c’est assez difficile pour les adolescents de faire le deuil de leur toute-puissance de l’enfance : « l’essor des sciences et des techniques, qui caractérise la modernité, ne s’accompagne-t’il pas d’une illusion grandissante de toute-puissance, d’un déni massif de la mort et d’un retour en force de la pensée magique, toutes choses auxquelles les adolescents doivent renoncer pour sortir de l’enfance. » Ainsi les conduites à risque entretiennent l’illusion d’une toute-puissance (qui caractérise le phénomène social) à la mesure de la vulnérabilité ressentie. Alors que la mort symbolique et les phases de deuil sont nécessaires à l’évolution, notre société retarde ou empêche ce processus, en cultivant l’angoisse de la mort (même symbolique) et la toute-puissance de l’Homme. Dans certaines sociétés au contraire, la mort est vénérée et les rites de passage permettent de légitimiser et d’aider la transformation et les deuils à réaliser. Le passage est ainsi facilité, l’adolescence raccourcie. Dans notre société, on essaie de ne pas penser à la mort, qui devient presque un sujet tabou comme la sexualité peut l’être : on comprend bien la situation difficile et culpabilisante de l’ado en proie à la fois à des pensées morbides et sexualisées. « Nombre d’adolescents en dérive revendiquent la maîtrise et la toute-puissance. Si leur voix étranglée n’est qu’un cri déchirant qui appelle à l’aide, leur âme étouffée fait du corps propre l’horrible théâtre des affrontements ». L’automutilation, ou en moins violent mais tout aussi expressif, le phénomène tatouages et piercings, est un moyen d’effacer les barrières symboliques entre contenant corporel et contenu psychique. C’est un moyen d’expression autre que les mots, très à la mode, qui apparaît comme une alternative dans la recherche des limites (on touche là à la peau) et le besoin de s’exprimer, de s’affirmer et de se sentir puissant paradoxalement à la fragilité et à l’impuissance ressenties. Il semble là y avoir un profond malaise social dans une société pourtant « évoluée », mais dans laquelle l’évolution des jeunes semble être freinée et perturbée, avec une augmentation des conduites à risque, des violences et des jeux morbides, et un allongement de la crise d’adolescence. Beaucoup d’adultes paraissent même être des adolescents n’ayant pas fait le deuil de la toute-puissance enfantine et se conduisant avec une grande immaturité, avec beaucoup d’égoïsme et très peu de sagesse. Le malaise social semble donc s’amplifier à ce niveau là. On verra dans les années à venir comment les choses évoluent dans la société et facilitent, ou freinent le passage de l’enfant à l’adulte. Mais tant qu’il y a l’angoisse, le tabou, l’évitement de la mort et la culture de la toute-puissance de l’Homme « évolué », le voile de l’illusion reste en place, et l’adulte peut avoir du mal à accepter de mourir à l’enfance.


Ainsi, la construction d’un individu se fait par étapes, et cela constitue son histoire. L’image inconsciente du corps évolue au fil du temps et des expériences vécues ; elle est à la base du sentiment de soi. Cette image inconsciente est rapidement et progressivement délaissée (dès 3 ans) aux dépens de l’image spéculaire, en 2D, extérieure, celle vue dans le miroir, l’apparence que l’enfant donne à voir à autrui. Tout l’intérêt se porte alors sur le paraître ; les images de base, fonctionnelle et érogène sont refoulées dans les couches de l’inconscient. Le corps-vu, quant à lui, offre une image plus rassurante car compacte et cohérente.
Cependant, l’image inconsciente est réactivée lors de troubles psychiques et on peut alors envisager un travail thérapeutique pour l’exprimer, la décoder, la clarifier et la rendre consciente, puis la transformer et la sublimer. Un travail de structuration psycho-corporelle s’avère utile, par l’utilisation du temps, rythme, de l’espace, de l’axialité, du poids, du tonus, de la densification, qui rejoint la notion de Moi-Peau. Cette thérapie tient compte des étapes spécifiques de développement du patient, de l’enfance à l’âge adulte et favorise l’ontogénèse. Par exemple à l’adolescence l’accent sera mis sur les limites, car les ados recherchent de nouvelles limites sécurisantes, intéressantes et non étouffantes, pour se construire en les intériorisant.


Bibliographie :
La psychologie de l’enfant, Olivier Houdé
Le journal des psychologues n°219, réflexion sur l'adolescence de Didier Lauru Quand l'adolescent va mal, Dr Xavier Pommereau
La cause des adolescents, Françoise Dolto
L’image inconsciente du corps, Françoise Dolto
Le corps et ses images, JD Nasio

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